« Guérir mieux » les cancers pédiatriques : soignants et chercheurs mobilisés pour diminuer les séquelles

« Guérir mieux » les cancers pédiatriques : soignants et chercheurs mobilisés pour diminuer les séquelles

Éviter une « double peine » pour les enfants atteints de cancer : c’est l’objectif des équipes de professionnels et de chercheurs qui travaillent à atténuer les séquelles des traitements. Le Pr Jean-Hugues Dalle, chef du service hématologie et immunologie pédiatrique et directeur du programme de greffes de cellules souches hématopoïétiques à l’hôpital Robert-Debré, fait le point sur ces séquelles et souligne les avancées de la recherche sur le sujet.

 

Que signifie « guérir mieux » les cancers pédiatriques ?

Pr Jean-Hugues Dalle:  80 % des patients atteints de cancer et de leucémie durant l’enfance guérissent. Néanmoins, ils subissent une sorte de « double peine » : non seulement, ils vivent des hospitalisations prolongées durant leur enfance avec des traitements lourds, mais ils doivent aussi endurer des séquelles qui risquent de peser sur toute leur vie d’adulte. « Guérir mieux » signifie agir pour diminuer ces séquelles.

 

Quelles sont ces séquelles ?

Il existe des séquelles socio-éducatives, avec souvent des ruptures de scolarité. Nous nous efforçons de les atténuer grâce à des accompagnements personnalisés, l’enseignement à l’hôpital ou à domicile, ou encore la présence de psychologues dans les services.

Il y a également des séquelles liées à une intervention chirurgicale, par exemple.

Et enfin des séquelles dues à l’intensité des chimiothérapies. Il faut savoir que les organismes des enfants sont à la fois résilients, et « chimio-sensibles ». Autrement dit, ils répondent bien à la chimiothérapie et se remettent mieux que les organismes adultes. On a donc tendance à utiliser de fortes doses de traitement, garantes de la guérison du cancer. Mais en dépit de cette résilience, les organismes ont une « mémoire » des traitements qui peut parfois s’exprimer des décennies plus tard : problèmes cardiaques, difficultés de croissance, infertilité, problèmes encodriniens, secondes tumeurs etc.

 

Comment diminuer ces séquelles ?

Au début des années 2000, nous avons commencé à nous poser la question suivante : pour les patients dont la maladie est « chimio-curable », peut-on envisager de diminuer l’intensité des traitements ? Par exemple, baisser la dose d’anthracycline, molécule cardio-toxique, ou le recours aux agents alkylants qui ont une forte toxicité sur les reins et les gonades ? La réponse à cette question est forcément donnée dans un cadre multidisciplinaire : l’hémato-oncologue a besoin de l’avis du cardio-pédiatre ou de l’endocrino-pédiatre. C’est une voie que nous suivons de plus en plus.

La difficulté est que l’on traite une population très hétérogène puisque nos patients sont âgés de 0 à 18 ans. Le foie d’un patient de moins d’un an ne métabolisera pas un médicament de la même façon que celui d’un patient plus âgé. Un ovaire de jeune fille prépubère est sans doute plus sensible que celui d’une petite fille. Il faut donc à chaque fois adapter notre stratégie à l’âge, au sexe, à la pathologie.

 

Comment avance la recherche sur le traitement des séquelles ?

Nous progressons grâce à la participation à des programmes nationaux ou internationaux. Nous faisons partie du consortium LEA « Leucémies et autres hémopathies malignes de l’enfant et de l’adolescent », qui comporte plus de 7 000 enfants et adultes traités durant l’enfance. Créé il y a vingt ans, il permet un suivi à long terme des patients soignés pour leucémie. C’est une véritable usine à connaissances, avec une quarantaine de publications internationales depuis  l’origine.

Dans ce cadre, le projet « Cryo-LEA » a collecté des échantillons biologiques de 2 700 patients traités dans l’enfance. A partir de cette collection biologique, nous sommes en train de mener une étude, baptisée « GEN-LEA », pour identifier, par technique de GWAS (associations pangéomiques) , des facteurs génétiques prédictifs des effets secondaires tardifs.

Nous pourrions ainsi mettre en évidence des profils génétiques « protecteurs » des séquelles, et d’autres « pro-séquellogènes ». Et ainsi adapter les suivis, et peut-être même les traitements, à ces profils.

D’autres travaux de recherche sont en cours : utilisation de l’IA pour mener des études de suivi à long terme sur les effets de la radiation ; préservation de la fertilité à travers les tentatives de mise au point de la folliculogenèse – le processus de maturation du follicule ovarien – in vitro.